Selon Gabi Huber, présidente du groupe parlementaire PLR (parti libéral-radical), « la prochaine tempête sur le front de la crise économique s’annonce ». C’est ce qu’elle a déclaré à son groupe avant l’élection du deuxième conseiller fédéral. Elle a encouragé les députés à élire le candidat radical présentant les qualifications « nécessaires au vu des secousses à prévoir ».
La Suisse a bien maîtrisé la crise économique. Selon Pascale Bruderer, présidente du Conseil national, dans son discours d’adieu, « les finances publiques sont dans un meilleur état que dans la plupart des autres pays ». Le nombre de chômeurs est relativement bas, comparé à beaucoup d’autres pays. Mais le fait qu’ici comme ailleurs les problèmes pourraient s’aggraver n’est qu’un aspect de la tempête qui se prépare. Les crises ont de nombreux aspects et elles représentent toujours un défi pour le système politique des pays. En jetant un regard sur le monde et sur son histoire, on constate que les crises et les guerres économiques ont toujours été utilisées pour imposer des changements politiques, sous prétexte de nécessités économiques. Il s’agit donc d’être attentif face à la «malice des temps».
C’est précisément le système politique de la Suisse – ce jeu subtil fait de démocratie directe, de fédéralisme et de subsidiarité, mais aussi de concordance et de souci de trouver des compromis viables, à quoi il faut ajouter la neutralité, c’est-à-dire le refus de toute politique de suprématie au profit d’un engagement humanitaire – qui pourrait être un modèle de paix que l’on souhaite aux autres pays. Le développement de la démocratie directe projette un espoir, alors même qu’elle est susceptible d’améliorations, ce qui est le propre de toute réalisation humaine. Il n’en reste pas moins qu’il s’agit d’une forme développée de contrôle du pouvoir et de coopération au meilleur sens du mot, c’est-à-dire de respect des droits politiques et de la dignité humaine.
La démocratie directe permet de coopérer et d’exercer une influence sur tout ce qui touche à la vie de chacun. C’est l’instrument le plus efficace de contrôle du pouvoir. Tous les citoyens font partie de l’Etat, ils peuvent participer et, comme le remarquait Moritz Leuenberger, conseiller fédéral sur le départ, la plupart le font en s’engageant volontairement, notamment sur le plan communal. «La solidarité, l’engagement spontané, la coopération dans la mise en oeuvre de notre politique, ne sont pas un mythe, mais bien une réalité vécue.»
Le fédéralisme a permis à des cultures, à des langues, à des religions différentes de coexister pacifiquement et a constitué pour elles un apport fructueux. Vécu dans la liberté et associé à l’idée que la solidarité permet à l’ensemble de perdurer, il donne une forme humaine à la concurrence, dont il est souvent question, offrant des solutions qui respectent et exploitent les situations locales. Il en résulte que les minorités sont autrement mieux protégées que par des droits accordés après coup aux minorités par la majorité.
La concordance est aussi une caractéristique qui s’est développée au cours des temps. De fait, l’alliance conclue librement au cours des temps par des cantons si différents quant à leur situation géographique, à leur développement économique, à leur langue et à leur culture n’a pu conserver sa liberté qu’en respectant les besoins des Suisses au point qu’ils sont restés fidèles à la Confédération. Bien que la Suisse ait aussi connu des périodes de domination, elle n’est pas un Etat imposé par la force, mais le résultat de nombreux accords, ayant abouti finalement à un Etat fédéral qui repose sur toutes ces expériences de vie et sur la volonté de trouver des compromis.
La prise de conscience que la liberté ne se maintient que dans la mesure où le pouvoir est limité explique notamment que la neutralité ait été très tôt considérée comme la seule maxime possible de politique étrangère. Il était plus important de maintenir fermement cette alliance pour sauvegarder l’indépendance plutôt que de se lancer dans des conquêtes, idée qui n’a rien perdu de sa valeur. Il est bon que, dans ce monde livré aux guerres, aux famines et à l’injustice, il se trouve au moins un endroit qui échappe aux luttes pour le pouvoir et se consacre à la paix et à l’entente entre les peuples. La tradition humanitaire de la Suisse, ses bons offices seraient impensables sans la neutralité.
Ce «chef-d’œuvre», comme l’a dit Johann Schneider-Ammann, ne se maintient pas tout seul. Les qualités de la Suisse énumérées par Hans-Rudolf Merz, – « la prospérité, la sécurité, la diversité, le progrès et la solidarité » – sont aussi les caractéristiques de notre système politique. « Aucune de ces qualités ne va de soi, aucune ne se réalise toute seule, aucune n’est statique. Nous sommes tenus politiquement, socialement, économiquement d’en prendre soin. Il ne dépend que de nous tous de les conserver. » Ces propos ont été complétés par Schneider-Ammann: « Nos conquêtes et nos valeurs vécues valent la peine que nous nous efforcions ensemble de les perpétuer afin que les générations futures en profitent également le moment venu. » Cette solidarité nécessite une confiance réciproque faite d’honnêteté et d’engagement. Selon Simonetta Sommaruga, « il faut savoir que dans notre pays, il est important que les adversaires politiques puissent avoir mutuellement confiance. C’est la seule façon de faire vivre la concordance. Lorsqu’on veut obtenir des compromis viables, il faut que les deux camps soient fiables, honnêtes et crédibles et aient parfois le courage de se faire violence ».
Face à la tourmente qui s’annonce, ce sont là des fondements solides nécessaires pour maîtriser les défis à venir dans l’intérêt du pays et de ses habitants.
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